De part et d’autre de l’Atlantique, à la faveur de la montée des températures, les hautes juridictions ont rendu quelques décisions qui ont déjà alimenté des polémiques orageuses.
Voici un cocktail sélectif qui a secoué l’univers de la propriété intellectuelle et autre…. à déguster bien frappé.
– La plus violente tempête vient sans doute des Etats-Unis:
La Cour Suprême a en effet rendu cette année deux décisions controversées en matière d’épuisement des droits de propriété intellectuelle.
L’une en matière de brevet, très médiatisée, puisque l’une des parties est la multinationale Monsanto et son produit phare “Round-Up”. Hugh Bowman c. Monsanto Co. du 13 mai 2013. En bref, un agriculteur qui achète des semences brevetées pour une saison, ne peut les réutiliser la saison suivante en conservant des semences, provenant de la précédente récolte. Bowman revendiquait le droit de faire ce qu’il voulait des semences qu’il avait régulièrement achetées. La Cour lui reconnait ce droit, à l’exception près qu’il ne peut pas s’en servir pour les reproduire et les utiliser l’année suivante.
L’épuisement du droit sur les brevets, aux Etats-Unis, ne s’étend donc pas à la réutilisation du produit. Compte tenu de l’ensemencement accidentel qui peut se produire dès que l’on sème une graine dans un champs, un agriculteur est lié pour la durée de son exploitation à son fournisseur. La victoire du pot de fer contre le pot de terre laisseront entendre certains….
En mars dernier, la Cour Suprême avait pourtant donné l’avantage au pot de terre, en l’occurrence, le consommateur américain de livres. Dans la décision Kirtsaeng c. Wiley du 19 mars 2013, elle avait statué en faveur de l’épuisement des droits d’un titulaire de copyright, un éditeur scientifique qui s’opposait à l’importation parallèle de livres, imprimés et achetés en Thailande par un immigré scientifique, et revendus par ce dernier directement aux USA , sans passer par l’éditeur. Elle consacre ainsi le principe de l’épuisement international des droits d’auteur …ce qui risque de faire frémir Mickey, si cette décision est étendue à d’autres secteurs que l’édition de livres…
Rappelons également cette décision de la Cour Suprême américaine Association for molecular pathology v. Myriad Genetics du 13 juin 2013 en matière de brevet sur l’humain et qui interdit les brevets sur l’ADN naturel. Toutefois, la Cour a précisé que l’ADN complémentaire ( modifié… ) peut être breveté. La Cour n’a cependant pas précisé ce qu’est un gène non naturel. Ce flou a suscité de nombreuses interrogations surtout quand les méthodes pour obtenir cet ADN complémentaire sont dans le domaine public… Une décision en clair-obscur…qui laisse la porte entre ouverte pour breveter le génome humain.
Côté français, il faut noter une décision très courte de la Cour de Cassation, mais aux conséquences potentiellement importantes, à propos des fichiers informatisés contenant des données personnelles. Il s’agit d’un arrêt du 25 juin 2013 M. x c. Bout-Chard qui déclare nulle – car illicite – toute vente de fichiers de clients informatisés qui n’auraient pas été au préalable déclarés à la CNIL. La Haute Cour, en la matière, va plus loin que la loi qui ne prévoit pas la nullité comme sanction de la non déclaration. Mais les sanctions pénales attachées à l’oubli de déclarer ses fichiers à la CNIL devraient tout de même en inviter certains à revoir si cette formalité n’a pas été omise…afin de ne pas se retrouver derrière des barreaux…l’échelle des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement…
Enfin, pour terminer, il convient de signaler une décision de la Cour Suprême Canadienne en matière de…. mauvaise langue …diront certains… qui affectera surtout les praticiens de Colombie Britannique, rendue en date du 26 juillet 2013. La Cour Suprême a reconnu la validité d’une loi coloniale anglaise non abrogée qui impose l’utilisation de l’anglais pour la langue des pièces transmises dans le cadre d’une procédure devant les cours civiles de Colombie Britannique, nonobstant les droits linguistiques et le principe du bilinguisme Français/Anglais reconnus par la Charte Canadienne des droits et libertés. Pour trois juges dissidents de cette Cour, ceci est tout de même susceptible de porter atteinte au statut du français comme langue officielle du Canada. Cette décision aurait sans doute fait sourire un éminent confrère de cette province, Gustav G., disparu le mois dernier, qui ne parlait pas le français, à la Cour comme à la ville, mais venait, tous les étés, s’initier aux saveurs de cette langue, dans la jolie ville de Vence.
Ce cocktail d’été lui est dédié.
M.D. le 30 juillet 2013
Excellent! jus qu’au cocktail dédié à Gustav G. JJ
Excellent indeed, though somewhat daunting to a poor country litigator. Keep up the good work!
Ce texte est littéralement haut en couleur, les photos sont magnifiques, le contenu est un peu loin de mon quotidien…mais apprécié quand même.