Il fut un temps où le “Renseignement”- euphémisme communément utilisé pour désigner un service d’espionnage – était le fait de personnes, spécialement entrainées pour obtenir discrètement des informations de nature confidentielle.
Ces informations, tant convoitées, ne sont pas que des secrets d’Etat ou industriels, même si ces thèmes abondent dans la littérature ou le cinéma, mais aussi, des informations commerciales ou touchant notre vie privée.
De nos jours, que l’on soit chez soi, au travail ou dans la rue, les nouvelles technologies s’infiltrent partout pour surveiller nos faits et gestes.
Les foules sont surveillées par la vidéo surveillance dans les villes, les centres commerciaux, les administrations, etc.
Les raisons invoquées sont toujours celles de la sécurité des citoyens – comme toutes les mesures visant à réduire les libertés individuelles- même si certaines études, en France et au Canada, pointent du doigt le fait que la vidéosurveillance créé un faux sentiment de sécurité. Ce ne serait pas un facteur déterminant de diminution de la criminalité, mais resterait une atteinte certaine aux libertés individuelles. Le coût de sa mise en oeuvre et de sa maintenance est, de surcroît, très élevé et se fait au détriment d’autres mesures de prévention de la criminalité.
La vidéosurveillance d’aujourd’hui est, de plus, couplée avec des logiciels de reconnaissance faciale.
Certains gadgets, dignes de James Bond, constituent de véritables violation de notre vie privée.
Ainsi ces lunettes équipées de vidéo, micro avec connexion Internet via wifi notamment, qui permettent de capter discrètement des images et du son et de les diffuser en ligne, font l’objet d’interrogation sur leur utilisation à venir. A cet égard, vous pouvez lire la chronique du site SI-Lex de Lionel Maurel sur les Google Glasses qui relève que Google entend interdire par ses conditions générales de vente des lunettes ( à 1500 US$ la paire….) la location, la revente, le prêt et même le don de ses lunettes par les utilisateurs….même si cela n’a aucune incidence sur l’utilisation qui en sera faîte.
Même si l’arrivée des Lunettes Google sur le marché n’est plus prévue pour 2013, des programmes de reconnaissances faciales, tels celui de Facebook – projet abandonné en Europe pour l’instant, mais dument autorisé aux USA – permettent de nous identifier.
Ainsi, non seulement nous sommes filmés, mais en plus notre identification s’effectue en temps réel, pour peu que nous soyons affichés dans les média sociaux.
En effet, la plupart des informations qui sont récupérées sur nous , sont obtenues via les réseaux sociaux que certains utilisent sans considération du respect de leur propre vie privée et, souvent même, celle de leurs amis.
Le site net-Iris.fr rappelle la définition des données personnelles:
“Il s’agit principalement des informations qui permettent d’identifier soit directement, soit indirectement par recoupement d’informations, une personne, telles que : nom prénom, adresse, téléphone …etc…
Cet article rappelle également que la collecte d’information peut porter indirectement sur des informations sensibles, telles la religion, l’origine ethnique, aspirations politiques etc.
Au delà de nos déplacements, nos goûts et nos habitudes de vie peuvent être identifiés. Nous sommes étiquetés.
Il ne faut pas uniquement blâmer “Big Brother”, puisque, souvent, ces renseignements sont obtenus insidieusement….avec notre consentement exprès.
Ainsi que le rapportait récemment le New York Times et le journal Le Monde, le contrôle de nos données serait une illusion car nous sommes prêts à abandonner volontairement à certains éléments de notre vie privée sur Internet en échange de services prétendument gratuits ou de promotions alléchantes. Nous acceptons, sans les lire, des conditions générales de ventes ou de services par lesquels nous consentons à la commercialisation d’informations personnelles que nous venons de divulguer.
En France, la Commission Nationale Informatique et Liberté – CNIL – et certains de ses homologues européens font pression sur Google ou Facebook pour éviter des atteintes trop importantes à notre vie privée. Un projet de Réglement Européen sur la protection des données et de la vie privée vient d’être annoncé.
Le Canada, via le Commissariat à la protection de la vie privée a , par ailleurs, été un des pionniers en 2009, en matière de protection de la vie privée dans sa bataille contre Facebook, l’obligeant à modifier ses conditions générales.
Dans une autre étude, la CNIL a décortiqué les multiples applications de nos smartphones et tablettes pour savoir qui peut accéder à quoi….
Il faut dire que les téléphones “intelligents” rejoignent en effet les gadgets de “l’Intelligence service’”. Nous pouvons être écoutés même lorsque notre appareil est fermé….
Toutefois, nous ne pouvons pas que compter sur les autres pour protéger notre vie privée. L’éducation doit commencer par soi même… Il nous appartient d’agir comme citoyen responsable et… ne plus être dans la lune…
La géolocalisation présente sur la plupart des smart-phones peut être pratique pour l’utilisateur, mais nous n’avons pas besoin de voir nos déplacements tracés en permanence. Nous pouvons choisir quand utiliser ces services. Il suffit de prendre la peine de les désactiver, après utilisation du GPS, notamment. Il en est de même du wifi qui peut permettre à des tiers d’accéder à toutes nos informations personnelles, lorsqu’on utilise un accès public de wifi.
Pour éviter que nos données ne s’envolent, ces quelques précautions s’imposent.
Ainsi, mettre un code sur un téléphone portable peut avoir du bon sens, même si cela retarde de quelques secondes l’utilisation de notre appareil. La Cour d’appel l’Ontario, le 20 février 2013, a jugé que l’accès, par la police, aux données d’un cellulaire qui n’avait pas de code secret … n’était pas contraire à la Charte Canadienne des droits et libertés. A contrario, avec un code secret, la police aurait dû obtenir l’autorisation d’un juge pour accéder aux données du cellulaire… En l’espèce, le voleur avait eu “l’innocence” de photographier son arme et son butin… avec son téléphone intelligent….
La Cour Suprême du Canada, dans une décision du 27 mars 2013, concernant l’accès aux messages texte ( SMS…) a toutefois jugé qu’il fallait requérir un mandat d’écoute électronique d’une autorité judiciaire, pour que la police puisse y avoir accès.
La Cour de Cassation, le 10 janvier 2012 a rendu un arrêt par lequel elle rappelle qu’un système de vidéo surveillance destiné à une finalité, ne peut servir à d’autres buts. En l’espèce, un employeur avait mis en place dans son entreprise une vidéosurveillance pour prévenir les intrusions externes et il s’en est servi pour surveiller ses salariés. La preuve utilisée n’a pas été déclarée recevable car “aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance” . Il convient également que l’utilisation des données collectées et la finalité de la collecte soient conformes à la déclaration obligatoire effectuée auprès de la CNIL par l’employeur…sous peine de sanction pénale.
Au Canada, les tribunaux vont rechercher l’équilibre entre la violation des droits de la personne, protégés notamment par la Charte Canadienne des droits et Libertés ( outre la Chartes des droits et libertés de la Personne au Québec) et la défense de ceux qui ont mis en place une surveillance.
Un récent arrêt de la Cour Supérieure de l’Ontario en date du 22 mars 2013 a condamné lourdement une compagnie d’assurance (plus de 500.000 $ dont 200.000$ pour dommages punitifs) pour avoir instaurer une surveillance disproportionnée ( 140 heures) contre un de ses assurés handicapé et inapte à l’emploi.
Un autre moyen utilisé pour protéger ses données consiste en la pratique de “l’obfuscation” ou l’obscuration des données… noyer le poisson en quelque sorte… pour ne plus être pris pour une oie blanche….
Alors, ne restons pas passif face à ces questions, puisqu’il s’agit de notre vie privée !
“ Ce que l’on appelle notre vie privée, c’est ce dont nous avons le droit de priver les autres” rappelle l’écrivain Gilles Martin-Chauffier.
M.D. le 29 avril 2013
PS: Merci aux Oies des Neiges, de passage en Ontario, qui ont accepté de poser spontanément devant mon objectif.
Pour plus d’information:
– “Silent Listeners: The Evolution of Privacy and Disclosure on Facebook” – Fred Stutzman, Ralph Gross, Alessandro Acquisty – Journal of Privacy and Confidentiality (2012), number 2
– Le citoyen Professionnel en matière de protection de la vie privée – Commissariat à la protection de la vie privée du Canada
– L’utilisation de caméras de surveillance par les organismes publics dans les lieux publics – Commission d’accès à l’information du Québec –
Good one!
Jean-Jacques Fournier
Pingback: Souriez ! vous êtes épiés&h...
Votre texte nous incite à une plus grand prudence, mais nous révèle aussi notre vulnérabilité devant la complexité de la dimension juridique et policière.
Merci encore.